collecte section Bourgogne

https://www.helloasso.com/associations/association-france-lyme/collectes/section-bourgogne

Réponse du Professeur Perronne au New England Journal of Medicine

lien vers le site :http://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMe1502350lien vers le PDF associé :http://www.nejm.org/doi/pdf/10.1056/NEJMe1502350ou depuis le serveur FFMVT: nejme1502350
ffmvt.org

lien vers le site :
http://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMe1502350
lien vers le PDF associé :
http://www.nejm.org/doi/pdf/10.1056/NEJMe1502350
ou depuis le serveur FFMVT: nejme1502350

logo2_190x78
voir au format PDF :
Réponse au NEJM 11 avril 2016

le texte complet du professeur Christian Perronne :

Réponse à l’article du New England Journal of Medicine :

Berende A, Hofstede HJM ter, Vos FJ, et al. Randomized trial of longer-term therapy for symptoms attributed to Lyme disease. N Engl J Med 2016;374:1209-20. DOI: 10.1056/NEJMoa1505425
« Essai randomisé sur le traitement prolongé des symptômes attribués à la maladie de Lyme »
Article accompagné d’un Editorial :
Melia MT, Auwaerter PG. Time for a different approach to Lyme disease and long-term symptoms. N Engl J Med 2016;374:1277-8. DOI: 10.1056/NEJMe1502350
“Le temps est venu pour une approche différente de la maladie de Lyme et des symptômes persistant à long terme »

Commentaires.

Conseil scientifique de la Fédération Française des Maladies Vectorielles à Tiques.
Le titre de l’éditorial « Time for a different approach to Lyme disease…» semble prometteur car c’est presque la copie du titre de l’éditorial de Liesbeth Borgermans, Christian Perronne et collaborateurs publié en décembre 2015 dans le British Medical Journal « Lyme disease: time for a new approach? » (« La maladie de Lyme : le temps est-il venu pour une nouvelle approche ? » Il existe effectivement un consensus mondial sur une approche multifactorielle de la maladie et des maladies associées liées aux co-infections par d’autres microbes que Borrelia burgdorferi.
Malheureusement, l’étude de Berende et collaborateurs n’apporte aucune réponse à toutes les interrogations apportées par les publications scientifiques récentes qui prouvent la persistance de Borrelia, même après quelques mois de traitement antibiotique avec une capacité de la bactérie à prendre des formes variées pour mieux persister dans les cellules et les tissus de son « hôte », qu’il soit animal ou humain (Embers et coll. PLoS ONE 2012. Meriläinen et coll. Microbiology 2015).
Il est d’ailleurs très étonnant que PG Auwaerter, qui a cosigné l’éditorial, ait été récemment co-auteur de deux articles scientifiques étudiant de nombreux médicaments sur les formes persistantes de Borrelia (Feng et coll. Emerg Microbes Infect 2014. Feng et coll. PLoS ONE. 2015). Cet expert dit ainsi dans plusieurs de ses publications que les formes persistantes de Borrelia n’existent pas, pendant que dans le même temps il les étudie et publie des résultats ! Cherchez l’erreur ! (Auwaerter et al. Lancet Infect Dis. 2011. Perronne Lancet Infect Dis 2012).
L’étude de Berende et coll. ne permet en aucun cas de conclure qu’un traitement anti-infectieux prolongé est inefficace sur les signes et symptômes de la maladie de Lyme chronique. Après deux semaines de ceftriaxone injectable (Rocéphine*), les patients sont tirés au sort entre trois groupes. Au cours des 3 mois suivant, un groupe va revoir du placebo, le deuxième groupe de la doxycycline et le troisième groupe l’association clarithromycine + hydroxychloroquine (Plaquénil*). Ces deux stratégies de traitements anti-infectieux sont adaptées pour le traitement de la maladie de Lyme.
Pourquoi avoir arrêté le traitement ainsi que l’évaluation des patients à 3 mois ? On sait pourtant qu’à cette période, dans l’expérience de tous les médecins qui s’occupent de Lyme chronique, on est encore à une période où les exacerbations de signes et symptômes déclenchées par les traitements (réaction de Jarish-Herxheimer ou « herx ») sont encore très fréquentes chez une proportion importante de malades, qui pourtant vont s’améliorer significativement ou même guérir quelques semaines ou quelques mois plus tard.
De plus, rien dans les méthodes de l’étude ne permet de différencier les exacerbations de la maladie des vrais effets secondaires des anti-infectieux. Seule la prolongation du traitement au-delà de 3 mois permet de constater que ces soit-disant « effets secondaires » finissent par disparaître alors que l’on continue le même traitement.
L’étude n’a absolument pas pris en compte l’évolution cyclique naturelle de la maladie qui est très fréquente, faisant qu’à 3 mois, indépendamment des traitements, certains malades vont être en phase de poussée et d’autres en phase de régression de leurs symptômes. On sait avec l’expérience que ces oscillations finissent habituellement, sous traitement prolongé, par être moins fortes et moins fréquentes avec le temps pour finir, dans le meilleur des cas, par disparaitre après quelques mois.
L’étude semble bien commencer avec une analyse des signes et symptômes dont souffrent les malades à l’état de base, avant de démarrer les traitements. Jusque-là, tout va bien, mais une fois les patients tirés au sort dans l’un des 3 groupes, on ne surveille plus et on n’analyse plus du tout leurs signes et symptômes ! On se contente d’un score global de qualité de vie, le SF36, qui établit une moyenne de l’état général ressenti par le patient sans aucun détail sur ses différentes catégories de signes et symptômes. Il peut s’agir de signes généraux (fatigue, fièvre, sueurs, variations de poids) ou de signes touchant différents systèmes de l’organisme : signes cutanés, articulaires, musculaires, osseux, cardiaques, neurologiques, etc. Tous ces signes ne peuvent absolument pas être évalués individuellement par le score SF36.
Ainsi, dans la pratique des médecins qui connaissent parfaitement la prise en charge du Lyme chronique, ce mode d’évaluation ne peut rien montrer à 3 mois. Les malades du groupe placebo, après peut-être une petite amélioration initiale due aux deux semaines de ceftriaxone, vont rester assez stationnaires ou reprendre les oscillations naturelles de leurs signes. Les malades des groupes recevant un vrai traitement anti-infectieux vont se répartir en trois sous-groupes, absolument pas étudiés dans ce travail : ceux qui vont être bien améliorés, ceux qui vont être dans un état pire qu’avant le début des traitements (en raison des exacerbations) et ceux chez qui on va observer certaines catégories de signes s’améliorer alors que d’autres vont être en phase d’aggravation. Par exemple, à 3 mois, un malade peut constater une nette régression de ses douleurs articulaires ainsi qu’une quasi-disparition de ses troubles cardiaques, alors que ses céphalées et son brouillard intellectuel vont être encore pire qu’avant le traitement. Globalement, le patient va dire qu’il ne se sent pas bien et son score SF36 va être mauvais alors qu’il va peut-être guérir 3 mois plus tard.
Les auteurs de cette étude savaient pertinemment que la méthodologie qu’ils ont employée était incapable de montrer une différence entre les groupes à 3 mois. Ils le savaient car ils ont copié la méthodologie déjà utilisée il y a quinze ans par Klempner et collaborateurs. Cette étude ancienne qui ne comprenait que deux groupes (antibiotique ou placebo), publiée comme par hasard dans le même journal, le New England Journal of Medicine, n’avait montré aucune différence entre les groupes (Klempner et coll. N Engl J Med 2001). Cette nouvelle étude de Berende et coll. n’apporte rien de nouveau.
Cerise sur le gâteau, il est amusant de constater qu’une proportion des malades inclus dans l’étude avait une sérologie de Lyme négative ! Cela n’est pas choquant en soi et l’on pourrait même s’en réjouir, mais c’est incompréhensible de la part d’experts qui disent que la sérologie de Lyme est parfaite ! Cherchez encore l’erreur !
Alors qu’au niveau américain et international, il commence à être exigé que les associations de soutien aux malades soient consultées sur les recommandations qui les concernent, et ce, quelque soit la maladie, il est ahurissant de constater que les malades souffrant de Lyme chronique n’aient pas eu leur mot à dire dans la conception de l’étude et que l’on n’ait pas recueilli pour la méthodologie l’avis des nombreux médecins qui dans le monde soignent au quotidien et avec succès des centaines de milliers de malades souffrant de symptômes persistants et invalidants.
De nombreuses études ouvertes publiées ont montré le bénéfice d’un traitement antibiotique prolongé, avec un renforcement de l’effet en ajoutant de l’hydroxychloroquine (Donta Clin Infect Dis. 1997. Donta Med Sci Monit. 2003. Clarissou et coll. Med Mal Infect. 2009. Perronne Presse Med 2015). Des études randomisées comparant un antibiotique à un placebo ont montré une efficacité si l’on mesure des signes précis et non un vague score de qualité de vie (Krupp et coll. Neurology. 2003. Fallon et coll. Neurology. 2008).
On peut donc conclure que cette étude a été conçue délibérément pour ne rien montrer !

Références

Auwaerter PG, Bakken JS, Dattwyler RJ, Dumler JS, Halperin JJ, McSweegan E, Nadelman RB, O’Connell S, Shapiro ED, Sood SK, Steere AC, Weinstein A, Wormser GP. Antiscience and ethical concerns associated with advocacy of Lyme disease. Lancet Infect Dis. 2011; 11: 713-19
Berende A, Hofstede HJM ter, Vos FJ, et al. Randomized trial of longer-term therapy for symptoms attributed to Lyme disease. N Engl J Med 2016;374:1209-20. DOI: 10.1056/NEJMoa1505425
Borgermans L, Perronne C, Balicer R, Plasek O, Obsomer V. Lyme disease: time for a new approach? Br Med J 2015;351:h6520. DOI: 10.1136/bmj.h6520.
Clarissou J, Song A, Bernede C, Guillemot D, Dinh A, Ader F, Perronne C, Salomon J. Efficacy of a long-term antibiotic treatment in patients with a chronic tick associated poly-organic syndrome (TAPOS). Med Mal Infect. 2009; 39: 108-15.
Donta ST. Tetracycline therapy for chronic Lyme disease. Clin Infect Dis. 1997; 25: S52-6
Donta ST. Macrolide therapy of chronic Lyme disease. Med Sci Monit. 2003; 9: 136-42
Fallon BA, Keilp JG, Cordera KM, Petkova E, Britton CB, Dwyer E, et al. A randomized, placebo-controlled trial of repeated IV antibiotic therapy for Lyme encephalopathy. Neurology. 2008; 70: 992-1003
Feng J, Wang T, Shi W, Zhang S, Sullivan D, Auwaerter PG et al. Identification of novel activity against Borrelia burgdorferi persisters using an FDA approved drug library. Emerg Microbes Infect. 2014. doi:10.1038/emi.2014.53
Feng J, Auwaerter PG, Zhang Y. Drug combinations against Borrelia burgdorferi persisters in vitro: Eradication achieved by using daptomycin, cefoperazone and doxycycline. PLoS ONE. 2015; 10: e0117207. doi: 10.1371/journal.pone.0117207
Embers ME, Barthold SW, Borda JT, Bowers L, Doyle L, Hodzic E et al. Persistence of Borrelia burgdorferi in Rhesus macaques following antibiotic treatment of disseminated infection. PLoS ONE. 2012; 7: e29914. Erratum: PLoS ONE. 2012; 7. doi: 10.1371
Klempner MS, Hu LT, Evans J, Schmid CH, Johnson GM, Trevino RP, Norton D, Levy L, Wall D, McCall J, Kosinski M, Weinstein A. Two controlled trials of antibiotic treatment in patients with persistent symptoms and a history of Lyme disease. N Engl J Med. 2001; 345: 85-92
Krupp LB, Hyman LG, Grimson R, Coyle PK, Melville P, Ahnn S, et al. Study and treatment of post-Lyme disease (STOP-LD). A randomized double masked clinical trial. Neurology. 2003; 60: 1923-30
Melia MT, Auwaerter PG. Time for a different approach to Lyme disease and long-term symptoms. N Engl J Med 2016;374:1277-8. DOI: 10.1056/NEJMe1502350
Meriläinen L, Herranen A, Schwarzbach A, Gilbert L. Morphological and biochemical features of Borrelia burgdorferi pleomorphic forms. Microbiology 2015;161:516-27. DOI: 10.1099/mic.0.000027
Perronne C. Lyme disease antiscience. Lancet Infect Dis. 2012; 12: 361-2. doi: 10.1016/S1473-3099(12)70053-1.
Perronne C. Critical review of studies trying to evaluate the treatment of chronic Lyme disease. Presse Med 2015;44:828-31. DOI: 10.1016/j.lpm.2015.06.002